Le 14 mai dernier, lors d’un séminaire IPM, trois professeurs ont raconté leur expérience du peer review pédagogique : l’évaluation de travaux écrits par les étudiants entre eux.
Benjamin de Foy, professeur à Saint Louis University (USA) en visite pour un an à Louvain-la-Neuve, utilise le logiciel en ligne SwORD. Celui-ci répartit aléatoirement et anonymement les travaux entre les étudiants. Chaque étudiant reçoit ainsi 5 textes (d’une page) rédigés par ses pairs, et les évalue à l’aide de 4 questions ouvertes et de 3 critères notés. Ensuite, chacun reçoit les commentaires de ses camarades à propos de son travail. L’étudiant est alors invité à évaluer la qualité des commentaires reçus : ce commentaire est-il aidant pour améliorer son travail ? Cette double évaluation, qui « compte » dans la note finale, incite les étudiants à prendre ce travail de peer review au sérieux et à faire l’effort de formuler des commentaires précis, qualitatifs et constructifs.
A l’UCL, avec Moodle
Ce type d’activité est réalisable à l’UCL avec la plateforme Moodle : la fonctionnalité « Workshop » (voir la démonstration ci-contre) permet de récolter les textes des étudiants, de les répartir aléatoirement et anonymement, de recueillir les évaluations sur base de critères définis par le professeur… François Maniquet, professeur en ESPO, l’a expérimenté cette année dans son cours de Bac 2. 450 étudiants ont corrigé la réponse de leurs pairs à un exercice composé d’une question ouverte, à laquelle il fallait répondre par un texte d’une vingtaine de lignes.
Cette première expérience a été appréciée par les étudiants, qui y ont vu l’occasion de confronter leur compréhension de la matière aux critères de qualité attendus par le professeur. Ils expriment que c’est le fait d’avoir analysé en détail les réponses de leurs pairs (plutôt que les feedback reçus) qui a été le plus riche pour leur apprentissage.
François, de son côté, a découvert qu’il n’est pas si simple de proposer un exercice pour le peer review : la question doit se prêter à une réponse non ambiguë, et les critères d’évaluation doivent être non interprétables. Ainsi, en évaluant des mêmes réponses, lui-même et son assistant avaient souvent des avis divergents quant à savoir si l’étudiant « manifeste sa compréhension de la matière ».
Sans technologie particulière, par binôme
Troisième témoin, Tanguy Struye (ESPO) pratique une variante de cette technique, avec un cours de master intégré dans une formation continue qui se donne entièrement à distance (public d’adultes). L’évaluation par les pairs se déroule cette fois-ci sur la plateforme UCLine, avec l’outil de gestion des travaux. En binôme (pas d’anonymat donc), les étudiants évaluent une version provisoire d’un travail (une dizaine de pages). L’étudiant est invité à rédiger des commentaires constructifs, structurés en rubriques, à destination de son collègue. Ceux-ci doivent aider le collègue à améliorer le contenu de son travail. Cette activité est ainsi l’occasion, pour l’étudiant évaluateur, de découvrir une thématique complémentaire à celle que lui-même aborde dans son propre travail.
Cette activité pédagogique, particulièrement cohérente avec les acquis d’apprentissage visés pour nos diplômés universitaires, ne mérite-t-elle pas d’être davantage pratiquée ?
8 réponses sur « Peer-Review pédagogique : l’évaluation par les pairs a-t-elle du sens chez les étudiants ? »
Pour aller (un peu) plus loin :
« Evaluer et être évalué, telle est la question » : billet sur le peer review pédagogique dans le blog sur la pédagogie universitaire d’Amaury Daele : http://pedagogieuniversitaire.wordpress.com/2009/08/30/evaluer-ou-etre-evalue-telle-est-la-question/
« Using Peer Review to Help Students Improve Their Writing » : teaching tips proposé par le Teaching Center de Washington University in St. Louis : Using Peer Review to http://teachingcenter.wustl.edu/node/425
« L’évaluation par les pairs pourra-t-elle faire de l’examen une vraie activité pédagogique ? » Bouzidi et Jaillet, 2007 : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/16/14/84/PDF/16.pdf
Dans ce billet, j’évoque mon expérience d’évaluation par les pairs remontant au milieu des années 70
https://sites.google.com/site/jacquesrodet/Home/mes-documents/essai/alheuredesmoocslevaluationparlespairssineuvequecela
Merci Jacques pour ce témoignage souvenir. Il est vrai que les MOOCs n’inventent pas l’évaluation par les pairs, pas plus qu’ils n’inventent les cours en ligne. Mais ils offrent une belle occasion de repenser tout cela dans un contexte différent, celui de cours ouverts et massifs.
Merci aussi d’attirer notre attention sur l’article de Rémi Bachelet décrivant et analysant le MOOC français « ABC de la gestion de projet ». Je me permets d’en inclure l’hyperlien ici : http://ateliermooceiah2013.files.wordpress.com/2013/05/bachelet.pdf
Cet article donne une bonne idée de la manière dont le MOOC était organisé, son découpage en séquences, les types d’activités proposés, la pondération des notes et la prise de décision finale sur la réussite et la certification. Pour notre propos sur l’évaluation par les pairs, je suis cependant un peu sur ma faim pour la description concrète de la manière dont cette activité était organisée (avec quel logiciel…). Si quelqu’un en sait davantage, merci de partager les infos !
J’utilise cette technique dans un de mes cours : « marketing quantitatif », pour corriger les copies d’un partiel portant sur la théorie des sondages et les tests statistiques. Les copies sont anonymisées sont réparties aléatoirement entre les étudiants. La dernière correction s’est faite en séance : je corrigeais au tableau et chacun avait une grille de correction pour évaluer la copie qui lui était échue.
Je n’affirmerai pas que le fait de corriger la copie d’un tiers a favorisé l’apprentissage des étudiants. Ils étaient très attentifs pour noter équitablement, pour bien respecter la grille, mais j’ai eu l’impression que cela comptait plus pour eux que la compréhension de l’exercice !
Je ne peux donc pas affirmer que cette méthode apporte plus qu’un corrigé classique en séance, avec questions/réponses sur chaque point de l’exercice et retours aux participants parce que le prof a vu ce qui n’allait pas dans les copies qu’il a corrigées.
Je pense essayer de ne pas leur donner une grille de correction au préalable et de la bâtir ensemble, la notation venant dans un second temps. Mais cela risque de prendre du temps sur le cours.
Bonjour
Je suis formateur et j’ai vu votre nom sur une publication de Marcel LEBRUN, je souhaite voir à quoi ressemble un webquest, une évaluation par les pairs. Dans les Mooc se pose la légitimité de la correction de cours. Un cours doit être proposé, compris par l’apprenant et tout le monde n’a pas un bac +5, les capsules vidéos ne sont pas toujours adaptées ou progressives. Si je sais faire l’exercice quelle est ma plus value en terme d’apprentissage, si je ne sais pas faire je vis la chose durement car l’éléve pair peut être considéré comme pas fiable ou reconnu comme expert. Quelle est votre vision de la chose ?
Quel plaisir de lire tous ces propos 🙂
Cela fait plusieurs années que je fais effectuer des vérifications de travaux de mes élèves par eux-mêmes. C’est à une toute autre échelle, bien plus petite que celle de ce sujet
En pratique, une fois le test réalisé, la vérification faite à partir des notes de cours et de mes réponses si nécessaire, je demande à chacun les raisons de sa réussite ou de son échec.
Les retombées sont immédiates : la responsabilité de l’élève face à son apprentissage, le feedback immédiat et surtout la possibilité pour l’enseignant d’intervenir à chaud sur des problèmes de compréhension.
Il s’agit bien là pour l’élève,me semble-t-il, d’un petit pas vers l’auto évaluation, élément indispensable aux mécanismes du « Complex (e)Learning » et/ou du connectivisme.
[…] de síntesis sobre la evaluacion formal (M Lebrun) via Juan Domingo Farnós […]
[…] d’enseignement), elle s’avère riche lorsqu’elle poursuit un but formatif. Cet article de notre blog, même si un peu ancien, vous en donne un […]