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Et si on agilisait la conception des cours en ligne ? Premier retour d’expérience de l’accompagnement des MOOCs à l’UCLouvain

Créer un cours en ligne est un processus long, complexe et énergivore qui implique une grande variété d’intervenants (experts contenus, concepteurs pédagogiques, développeurs web et multimédia…). Ce type de projets engendre plusieurs défis : coordination efficace entre les membres d’équipe, conception d’activités et de supports  adaptés à l’apprentissage en ligne, implémentation de tout cela sur la plateforme LMS… Pour les relever, nous avons tenté une nouvelle approche : concevoir des cours en ligne en mode agile !

Avant d’aller plus loin, précisons que nous ne sommes pas des experts des méthodes agiles : aucun de nos conseillers n’est coach agile certifié, ni n’a reçu de formation officielle. Nous nous sommes développés sur base de ressources disponibles à moindre coût : livres, articles de blog, vidéos YouTube, MOOCs…

Notre retour d’expérience se base donc sur notre interprétation des méthodes agiles. Celles-ci nous ont servi de source d’inspiration pour mettre à jour notre cadre de travail. Nous n’avons pas appliqué ces méthodes à la lettre : nous avons gardé et adapté les éléments qui nous semblaient pertinents, intéressants et réalistes au vu de notre contexte. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une application pure, parfaite et rigoureuse (et nous l’assumons).

Concevoir des cours en ligne en mode agile | Louvain Learning Lab

Concevoir des cours en ligne en mode agile : retour d’expérience sur l’accompagnement des MOOCs à l’UCLouvain en 2019

À l’UCLouvain, nous accompagnons la conception de MOOCs depuis 2013. Jusqu’à présent notre méthodologie de gestion de projet s’apparentait à la traditionnelle méthode ADDIE, ce qui posait deux problèmes majeurs :

  • la version observable du cours en ligne sur notre LMS (edX Studio) arrivait assez tard dans le processus, ce qui entraîne de nombreux changements dans le design prévu alors qu’on s’approche de la dernière minute,
  • difficulté de coordination et de communication entre les membres de l’équipe, notamment par manque de vision commune d’un même « objet »,

Pour tenter de répondre à ces difficultés, nous avons décidé, en janvier 2019, de nous intéresser aux méthodes agiles (et plus particulièrement à « Scrum »). Notre objectif : faciliter la communication en équipe et aboutir plus rapidement à un prototype de cours en ligne observable et testable. Nous avons proposé à quatre équipes d’enseignants d’embarquer avec nous dans cette aventure-pilote, et de tester avec nous la mise en place de ce cadre de travail.

De manière résumée, voici comment nous leur avons proposé de travailler :

Si vous souhaitez plus de détails sur les méthodes agiles, nous vous invitons à consulter le manifeste agile ainsi que le Scrum Guide. Ces deux éléments pourront vous servir de base pour entamer votre chemin. Nous ne rentrerons donc pas ici dans un descriptif détaillé et complet : nous soulignerons les éléments qui, de notre point de vue, sont essentiels à prendre en compte dans une telle démarche, et comment nous les avons adaptés à notre contexte.

Élément-clé #1 : Toujours privilégier l’humain plutôt que les processus et les outils

Si l’on se réfère au manifeste agile, le premier principe de la méthode est le suivant : « Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils. »

L’équipe enseignante a sans doute déjà ses propres habitudes (autres méthodes de collaboration ou de gestion de projet). La méthode agile dans laquelle vous allez l’embarquer constitue donc sans doute une nouveauté. Rien ne sert de vouloir l’imposer à tout prix : si vous essayez de forcer les choses, vous ne ferez qu’obtenir un retour de manivelle. Assurez-vous donc d’obtenir l’adhésion des équipes d’enseignants. Pour ce faire, expliquez-leur les avantages et bénéfices des méthodes agiles. Mettez aussi l’accent sur le fait qu’il s’agit d’une expérimentation collective, avec possibilité de revenir en arrière ou de changer de méthode si cela ne fonctionne pas.

Il en va de même sur l’adoption des outils que vous utiliserez pour mener votre projet à bien. Vous travaillez au sein d’une entreprise ou d’une institution ? Mis à part le LMS qui est probablement non-négociable, n’essayez pas d’imposer à tout prix UN outil de gestion de projet. Certaines équipes seront à l’aise avec des outils tels que Slack ou Microsoft Teams, d’autres préféreront rester à l’email et à un agenda partagé. Plus que tout, adopter les méthodes agiles consiste à s’adapter au fonctionnement de chacun et à s’accorder sur une manière de travailler ensemble. Notez que le processus peut bien sûr être ajusté au fil du temps, si nécessaire.

Élément-clé #2 : Communiquer de manière régulière, ouverte et transparente

Quels que soient les outils envisagés pour travailler ensemble, une bonne communication est une condition sine qua non pour réussir un projet. Les méthodes agiles proposent trois critères pour optimiser cette communication :

  • Régularité : définir des moments de rencontre réguliers, si possible plusieurs fois par semaine (ou en tout cas au moins une fois par semaine),
  • Ouverture : les membres de l’équipe doivent être d’accord de constamment s’évaluer et d’évaluer leur travail, en exprimant les choses de manière claire et sans tabou (éviter les non-dits à tout prix),
  • Transparence : chaque aspect du processus de travail et du prototype doit constamment être visible et accessible à tous (mettre tout le monde en copie des communications, partager les accès aux outils…).

Élément-clé #3 : Adopter une attitude « zéro déchets »

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que les tâches administratives nous plombent. Faites-vous donc plaisir, et évitez de perdre du temps en vous imposant de la paperasse ou des processus qui ne servent à rien, sinon à alourdir le travail en équipe : oubliez les PV de réunion (que personne ne lit de toute façon), les cahiers de charge interminables, les écrans de contrôle qui n’en finissent plus…

Au contraire, considérez votre prototype comme l’élément principal à tester et à passer en revue (car c’est bien lui qui constituera le produit final).

Élément-clé #4 : Privilégiez des périodes de travail rapprochées dans le temps

Comme déjà abordé, communiquer régulièrement est l’un des facteurs-clés pour réussir un projet en mode agile. Suivant cette approche, nous proposons deux types de rencontre : des « weekly reviews » (chaque semaine) et des « sprint reviews » (environ chaque mois).

Les weekly reviews sont récurrentes et courtes (maximum 30 minutes) et visent à maintenir une communication régulière entre tous les membres de l’équipe. Elles sont l’occasion de faire le point, pour chacun, sur trois éléments :

  • Ce qui a été réalisé au cours de la semaine écoulée,
  • Ce qui va être réalisé au cours de la semaine suivante,
  • Les problèmes éventuels rencontrés (et comment les autres membres de l’équipe peuvent venir en aide).

N.B. De manière classique, les méthodes agiles proposent des rencontres quotidiennes (« daily reviews » de maximum 15 minutes). Dans notre contexte institutionnel, il n’a jamais été possible de convenir d’un tel planning avec nos équipes. C’est pourquoi nous avons transposé le concept de « daily review » en « weekly review », plus réalistes dans notre situation.

Les sprint reviews s’organisent environ une fois par mois et sont plus longues (entre 2 et 3 heures). Cette rencontre s’organise autour de deux points :

  • Passer en revue le prototype en fonction des objectifs définis en début de sprint,
  • Faire un état des lieux sur notre manière de travailler ensemble (processus, outils, communication…) et mettre en place d’éventuels changements si nécessaire.

De manière générale, ces deux types de rencontres nous permettent de maintenir le contact avec l’équipe pédagogique, de maintenir une bonne communication et de nous assurer concrètement de l’avancement du projet.

Élément-clé #5 : Apprendre et améliorer de manière continue

Avant de nous inspirer des méthodes agiles, il était rare que les enseignants se rendent compte des avantages et limites de notre LMS. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que la majorité d’entre eux ne s’y connectaient pas, déléguant cette tâche à leurs collaborateurs ! Cette situation était problématique, car c’est souvent vers la fin du projet qu’ils se rendaient compte du résultat final… et qu’ils commençaient à émettre des suggestions pour obtenir le résultat désiré. Inutile de vous dire que ce genre de situation mettait tout le monde dans l’inconfort (rush, stress…) et engendrait bien souvent un accouchement dans la douleur !

À présent, même si tout n’est pas parfait, nous avons essayé d’être plus directs dans les processus de travail (voir élément-clé #3 ci-dessus). Ce qui compte, c’est le prototype, autrement dit l’élément concret mis en place dans le LMS, qui puisse être vu et commenté lors des rencontres. Ce prototype évolue avec le temps et en fonction de l’énergie et de l’agenda de chacun : il peut s’agir de réaliser une séquence d’apprentissage, un script ou un storyboard de vidéo… peu importe, du moment qu’on aboutit à un résultat concret.

En poussant quelque peu l’équipe pédagogique dans la piscine (en contrôlant tout de même la hauteur du saut et la température de l’eau), les enseignants se rendent compte dès le début du projet de plusieurs choses :

  • le temps et l’énergie nécessaires pour concevoir des activités d’apprentissage et d’évaluation adaptés à l’apprentissage en ligne, des ressources multimédia (infographies, illustrations, vidéos…) et implémenter le tout dans le LMS,
  • les opportunités offertes par la plateforme, mais aussi ses contraintes (ce qui est possible vs. ce qui n’est pas possible).

Clairement, le fait de se mettre tout de suite en mode « prototype » et de tester en mode itératif constitue l’une des plus-value de cette méthode d’accompagnement. Cela permet de mettre directement l’équipe face au résultat qui sera vu par les apprenants.

N.B. Un point sur lequel nous avons trainé : le beta-testing. Idéalement, essayez de mettre directement des utilisateurs finaux dans la boucle (des futurs apprenants en l’occurrence), et ce dès le commencement du projet. En les invitant aux premiers « sprint reviews », vous vous assurerez ainsi d’avoir d’emblée le point de vue de votre public-cible.

Envie de vous lancer ? 2 conseils pour concevoir des cours en ligne en mode agile

Nous avons bien conscience de la difficulté de résumer notre expérience et la richesse de la méthode en un article. Nous espérons toutefois qu’il vous aura donné envie d’en savoir plus… et carrément de tester les méthodes agiles dans vos accompagnements pédagogiques. En ce qui nous concerne, nous sommes séduits et nous comptons bien poursuivre dans ce sens.

Avant de vous laisser méditer sur la question, deux conseils d’ami :

1. Adaptez les méthodes agiles à votre cadre de travail

Nous recommandons de vous adapter aux fonctionnements de chacun. En effet, de notre expérience, chaque équipe est différente et il n’y a pas UNE manière de faire de l’agilité. Certains membres de l’équipe auront beaucoup de disponibilité, d’autres pas. Il en va de même pour la définition des critères d’un produit fini (chacun aura des critères différents). L’important est que l’équipe pédagogique communique et se mette d’accord. Pour le reste (objectifs à atteindre, outils à utiliser…), adaptez-vous aux contraintes de chaque équipe, de manière réaliste, sans forcer les choses.

2. Testez l’approche par vous-même avant d’investir dans une formation

D’un point de vue strictement technique, les méthodes agiles relèvent du bon sens : elles sont TRÈS simples à comprendre (ce qui est compliqué, c’est de mettre l’humain et les relations interpersonnelles au centre). Ne vous laissez donc pas berner par le jargon environnant et n’investissez pas directement dans une certification. Pour peu que vous ayez un minimum d’expérience en gestion de projets et que vous soyez sensible à l’approche agile, il existe suffisamment de ressources gratuites (ou très bon marché) pour vous permettre de tester rapidement si ces méthodes vous conviennent.

Par David Vellut

Psychologue, conseiller pédagogique et chargé de mission MOOC au sein du Louvain Learning Lab, David Vellut est un passionné d'innovation pédagogique et de développement professionnel, avec un goût prononcé pour la recherche scientifique et les pratiques 'evidence-based'. Sur ce blog, il partage avec vous ses réflexions, conseils et outils pour concevoir des expériences d'apprentissage efficaces et motivantes.

2 réponses sur « Et si on agilisait la conception des cours en ligne ? Premier retour d’expérience de l’accompagnement des MOOCs à l’UCLouvain »

Bonjour,
Merci pour ce retour d’expérience. Nous fonctionnons de cette manière chez Pimenko, dans l’accompagnement de nos partenaires pour la création de cours en ligne, les MOOC, les plateformes… Avec une différence toutefois : nous prenons soin de différencier les « couches » de livrables (l’ensemble des livrables formant le prototype, puis le produit final), de manière à ce que les retours concernent bien les éléments souhaités. En effet, si vous donnez à tester un zoning de page par exemple avec un texte et des images qui semblent « vraies », il y a de fortes chances pour que vos interlocuteurs vous fassent des retours sur le texte, et pas sur le zoning… Ce qui nous a conduits à utiliser abondamment le texte en faux latin 🙂 et les carrés de couleurs ! Et pour les retours sur le texte, nous le livrons « au kilomètre », dans un fichier dédié, pour que son évaluation ne soit pas parasitée par les éléments de forme…

Bonjour Christine, merci pour votre commentaire. Cela nous arrive aussi de délimiter des parties de prototype, mais la contrainte de notre plateforme ne nous laisse pas beaucoup de marge ni de possibilité. Pour ce qui est du texte, nous nous adoptons à chaque équipe : certaines préfèrent utiliser un fichier dédié, d’autre préfèrent encoder et mettre en forme directement en ligne. Nous laissons donc le choix aux enseignants, et à chaque équipe la possibilité de s’auto-organiser 😉

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