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Retour sur la conférence “Digital Education Transformation” de Anant Agarwal : 3 tendances pour l’avenir de l’éducation

En cette année académique 2017-2018, l’Université catholique de Louvain met l’accent sur les “Mondes Numériques”. Une manière de faire le point et de questionner aussi les apports du numérique à travers une large variété de domaines : l’environnement, l’économie, la santé… et bien sûr l’éducation et l’enseignement. C’est dans ce cadre que, le 5 février dernier, le Pr. Anant Agarwal (CEO de edX) a reçu le titre de ‘Docteur Honoris Causa’ pour sa contribution au développement de l’éducation en ligne.

Lors de sa venue à l’UCL, Anant Agarwal en a profité pour faire un passage à la Faculté de Médecine, où il a animé une conférence sur la thématique “Digital Education Transformation”. Au cours de cette conférence, il a partagé avec nous sa vision pour l’avenir de l’éducation. Je vous en propose ici une synthèse et quelques perspectives.

Anant Agarwal edX

L’avenir de l’éducation selon Anant Agarwal : 3 tendances qui vont bousculer nos façons d’enseigner et d’apprendre

“Au cours des 10 prochaines années, entre 50 et 70% des métiers auront disparu, ou à tout le moins se verront radicalement transformés.”

C’est sur ce constat que Anant Agarwal a ouvert la conférence. Pour relever ce défi, il nous faudra donc continuer à développer nos compétences et à apprendre tout au long de notre vie (ce qui se traduit en anglais par le terme : “lifelong learning”). C’est dans cette optique qu’a été créée edX : améliorer la qualité de l’éducation, la rendre la plus ouverte et la plus accessible possible, et ce globalement.

Anant Agarwal identifie 3 tendances majeures qui vont bouleverser l’avenir de l’éducation. Certaines de ces tendances commencent déjà à influencer la manière dont l’enseignement (et les apprentissages) évolue à l’heure actuelle :

Digital Education Transformation – Anant Agarwal edX

1. L’éducation sera MODULAIRE

Actuellement, lorsqu’un étudiant souhaite s’engager dans un parcours universitaire, il lui est nécessaire de s’inscrire :

  • d’abord dans un programme de bachelier (environ 3 années d’études),
  • puis de continuer à travers un programme de master (environ 2 années d’études, selon les filières).

Hormis la thématique d’études, l’étudiant se retrouve donc embarqué dans un parcours qui ne laisse finalement que peu de choix et de personnalisation. Pour Anant Agarwal, cette manière de concevoir les programmes d’études va rapidement être confrontée à des limites, étant donné les changements rapides que connaît le monde professionnel : par exemple, quid des étudiants souhaitant se focaliser sur certaines compétences spécifiques, ou tester l’adéquation de certaines filières avec leurs envies, tout en commençant à travailler à temps partiel ou en faisant du volontariat ?

À l’image de briques de LEGO® pouvant s’emboiter les unes aux autres, l’éducation pourrait ainsi proposer des modules (ou des cours) permettant aux étudiants de personnaliser davantage leur programme, afin de mieux répondre à leurs besoins.

L’enjeu ici serait dès lors d’envisager de nouveaux programmes, plus courts, et de trouver de nouvelles formes de reconnaissance officielles (sous forme de diplômes, ou autre type de certification).

2. L’éducation sera MULTICANAUX

Aujourd’hui, la transformation numérique vient chambouler la manière dont nous accédons à l’information. Outre les réseaux sociaux, l’émergence d’un grand nombre de plateformes d’apprentissage (telles que edX, Coursera, Skillshare…) contribue à accélérer le mouvement.

Pourtant, à l’Université, même si les choses évoluent, la majorité des cours se donnent encore de manière traditionnelle en amphithéâtre, sans tirer parti au maximum de l’hybridation rendue possible par le numérique.

Pour Anant Agarwal, l’éducation en ligne a encore du chemin à faire. À l’image du récent rachat de Whole Foods par Amazon (augmentant ainsi drastiquement ses points d’entrée et ses méthodes de livraison), l’Université pourrait développer plusieurs canaux d’entrée et de suivi :

  • La possibilité de bénéficier d’une éducation en ligne AVANT de s’inscrire dans un programme universitaire. L’idée serait de pouvoir proposer des cours en ligne (notamment des MOOCs) permettant aux futurs étudiants d’affiner leur(s) choix et de tester plusieurs filières, tout en commençant déjà à accumuler des crédits universitaires pour les cours suivis en amont. C’est ce qui se dessine avec le système de MicroMasters™ (et les futurs MicroBachelors™) proposé par edX.
  • La possibilité de bénéficier d’une éducation en ligne PENDANT le programme universitaire. Il s’agit ici de la forme d’éducation en ligne la plus répandue à l’heure actuelle : celle de l’apprentissage mixte (ou hybride), consistant à optimiser les parcours d’apprentissage en mettant en ligne les contenus ne nécessitant pas une présence en amphithéâtre, tout en maximisant les sessions présentielles par des activités ayant une réelle plus value pour les apprenants (apprentissage par problème ou projet, exercices en groupe, questions-réponses avec les enseignants, etc.).
  • La possibilité de bénéficier d’une éducation en ligne APRÈS le programme universitaire. On pense ici particulièrement à la formation continue, ce qui m’amène sans transition à la troisième et dernière tendance…

3. L’éducation sera CONTINUE

Pour Anant Agarwal, une fois un premier diplôme en poche, la grande majorité des adultes professionnellement actifs n’aura plus l’occasion de retourner sur les bancs de l’Université (par manque de temps, de ressources financières…). Pour pouvoir s’adapter à de nouvelles trajectoires professionnelles, il leur faudra donc miser sur l’éducation en ligne.

Pour reprendre le constat posé plus haut : un grand nombre de métiers vont disparaître ou radicalement se transformer au cours des 10 prochaines années. Deux besoins vont donc particulièrement se faire sentir pour les professionnels :

  • le besoin de mettre à jour leurs compétences en continu (up-skilling”),
  • le besoin de développer de nouvelles compétences en continu (re-skilling”).

Anant Agarwal partage également le fait que de plus en plus d’employeurs aux USA commencent à valoriser certaines certifications encore officiellement non reconnues (comme les MicroMasters™). De la même manière, nombreux sont les étudiants ayant acheté un certificat vérifié dans le cadre d’un MOOC et qui valorisent celui-ci sur leurs profils LinkedIn. Il parait donc important de tenir compte de cet aspect d’apprentissage continu (et de valorisation) à travers des moyens de certifications appropriés (edX compte ainsi proposer de plus en plus de “Professional Certificates” au cours des prochaines années).

Quelles pistes concrètes pour l’avenir de l’éducation ?

Certaines des idées formulées par Anant Agarwal ne sont pas révolutionnaires, mais elles ont le mérite d’insister sur des pratiques que l’Université pourrait davantage développer (notamment les aspects liés au décloisonnement des programmes d’études et à l’apprentissage mixte). Plusieurs de ces pistes ont d’ailleurs été envisagées lors du dernier Hack’Apprendre consacré à la vision de l’Université en 2035.

Quelles actions pouvons-nous donc mettre en place, en tant qu’acteurs du système éducatif, pour faire avancer les choses ? Quelques suggestions et pistes d’actions :

Poursuivre la réflexion concernant l’accès à l’enseignement universitaire. Notamment étudier la possibilité pour des étudiants de s’inscrire à des cours spécifiques, sans être obligés de s’inscrire dans un programme long (voir également dans ce cadre comment évaluer ces acquis, s’il s’avère nécessaire de devoir les évaluer…).

Élargir l’offre de MOOCs existants dans une perspective de groupement par thématiques afin de proposer davantage de MicroMasters™ (et prochainement des MicroBachelors™). L’offre en français pour ce type de parcours est clairement encore limitée, il y a donc un potentiel de développement important à ce niveau.

Dans cette perspective de parcours de type MicroMasters™, il est impératif de faire avancer la réflexion quant à la reconnaissance de crédits universitaires pour les MOOCs. Dans cette perspective, des étudiants en fin d’études secondaires pourraient anticiper leur inscription à l’Université en suivant ce type de parcours, et, s’il s’avère judicieux et intéressant pour eux, obtenir des crédits leur permettant de bénéficier de certaines dispenses au cours de leur première année de bachelier.

Du côté des enseignants, nous pouvons certainement encore renforcer nos travaux de sensibilisation, d’accompagnement et de soutien pour les aider à élargir le champ des possibles (par rapport aux MOOCs et aussi par rapport aux apports et bénéfices du numérique en général).

Enfin, pour arriver à développer l’offre de MOOCs de manière conséquente, nous ne pourrons faire autrement que de reconnaître officiellement la charge de travail des enseignants et équipes pédagogiques qui prennent en charge leur développement. De manière plus large, il s’agit donc bien ici de mettre l’accent sur la reconnaissance des enseignants pour leurs pratiques d’enseignement.

En guise de point d’orgue, pour celles et ceux d’entre vous qui aimeraient goûter aux charmes et à l’enthousiasme de Anant Agarwal, je vous invite vivement à consulter ci-dessous sa conférence TED enregistrée en 2013.

Par David Vellut

Psychologue, conseiller pédagogique et chargé de mission MOOC au sein du Louvain Learning Lab, David Vellut est un passionné d'innovation pédagogique et de développement professionnel, avec un goût prononcé pour la recherche scientifique et les pratiques 'evidence-based'. Sur ce blog, il partage avec vous ses réflexions, conseils et outils pour concevoir des expériences d'apprentissage efficaces et motivantes.

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